Ordure
EAN13
9782374912561
Éditeur
Quidam
Date de publication
Collection
QUIDAM
Langue
français
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Ordure

Quidam

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Ordure (Waste en anglais) est le deuxième roman publié de Eugene Marten. Paru
en 2008 aux États-Unis,ce court roman a longtemps circulé sous le manteau, le
texte passant de main en main jusqu’à atterrir dans celles de Gordon Lish,
célèbre écrivain et éditeur américain qui a fait le succès d’auteurs tels que
Raymond Carver, Rick Bass ou Richard Ford. Lish raconte qu’après avoir lu
Waste, il en a acheté un carton entier à Marten pour offrir les exemplaires à
des amis et connaissances, convaincu qu’il venait de lire un roman qui, dans
ses termes, « ferait l’histoire et plus encore ». De son propre aveu, Lish «
idolâtre » la prose de Marten, qu’il n’hésite pas à placer parmi les trois
plus grands écrivains contemporains américains, aux côtés de Don DeLillo et
Cormac McCarthy. Pourtant, le roman – comme le suivant, Firework, qu’il
publiera finalement en 2011 chez Tyrant Books – peinera à trouver un éditeur
américain. En cause, la noirceur extrême du contenu, auquel on aurait pourtant
tort de résumer le livre, qui va bien au-delà d’une simple histoire de
nécrophilie. Synopsis Ordure relate le quotidien de Sloper, un agent
d’entretien pour le compte d’un grand immeuble de bureaux au cœur d’une ville
américaine anonyme. Sloper passe d’étage en étage en poussant son chariot pour
collecter le recyclage, aspirer les sols, nettoyer les vitres, épousseter les
bibelots, vider les poubelles, s’autorisant à garder pour lui ce que les
autres – avocats, informaticiens, banquiers, bref : ce que l’Amérique fait de
mieux en matière de faiseurs de richesses et de redresseurs de torts – mettent
au rebus, bouts de sandwich et restes de repas en tout genre… Quand il a fini
de travailler, Sloper rentre chez sa mère, où il vit seul à la cave. Si elle
occupe le rez-de-chaussée, elle loue l’étage à des jeunes enclins aux
débordements. Refusant d’agir, Sloper se contente d’épier, depuis sa lucarne,
les allées et venues des deux voisines, une femme en fauteuil roulant et son
aide-soignante. Mais la routine de Sloper est interrompue un soir lorsque,
constatant qu’un des vide-ordures de l’immeuble est obstrué, il descend au
sous-sol. Il y fait une macabre découverte : le corps nu d’une employée, jeté
dans la benne tel un vulgaire déchet après utilisation. Contre toute attente,
Sloper, y voyant sans doute un moyen de remédier à son extrême solitude,
embarque le corps chez lui… Thèmes Ordure peut se lire comme un roman sur le
quotidien d’un homme sans histoire, sans qualité ni aucune ambition, qui tue
les temps morts dans l’ascenseur de service à l’aide d’un jeu de billes,
écoute les conversations derrière les portes closes, fantasme sur les jeunes
employées bardées de diplômes en ressassant parfois les souvenirs de son
précédent emploi, à la morgue – un lieu de mort où, paradoxalement, entouré de
ses collègues se voyant alors en « Cavaliers de l’Apocalypse », Sloper se
sentait sûrement plus vivant qu’il ne l’est avec ses actuels collègues de
travail, qui se regroupent à la cafétéria par ethnie et par langue. Or Sloper
est « sa propre langue à lui tout seul. » Au-delà du côté macabre, qui
survient au premier tiers du livre, Ordure est peut-être avant tout un roman
sur la communication, ou l’absence de communication dans un monde (à ce titre,
l’immeuble fait office de microcosme qui se veut représentatif de l’Amérique
même et du partage implicite qu’elle opère entre ceux qui ont et qui font, et
les autres, ceux qui n’ont rien et subissent) rongé par le profit, le
rendement, l’utilitarisme, et où la seule communication possible passe par les
chiffres, les audits, les bilans comptables et autres bulletins d’info en
continu… La relation que noue Sloper avec ses voisines, l’athlétique aide-
soignante et la femme en fauteuil, ne fait à cet égard que rejouer cette
absence de communication, ou du moins son extrême réduction aux quelques
rudiments de la machine : ses bips (comptables, binaires : un ou deux) pour
oui ou non. Pour le reste, ce sont les corps qui parlent. Ordure, par le biais
de ce personnage dont on ne connait que les gestes – car il est radicalement
privé d’intérieur par une narration qui se refuse à pénétrer ses pensées, et
donc sa psychologie – offre surtout le portrait dérangeant d’une Amérique on
ne peut plus superficielle, où tout lien est voué à demeurer mortifère. Le
monde de l’entreprise est une décharge où pourrissent les vies de celles et
ceux qui s’y entassent, et où les corps se disloquent lentement, dans la
violence, la folie, la mutilation ou la vengeance. Points forts La narration
au ras du personnage est sans doute l’un des points forts de ce texte, tant
elle offre une expérience de lecture saisissante, troublante, inconfortable :
en ne pénétrant jamais véritablement la psychologie du personnage, le roman se
refuse à tout jugement, joue de la description et de l’ellipse pour installer
le lecteur dans cet entre-deux qui lui fait voir à la fois la cruauté d’un
système intégralement défini par ce qu’il rejette, ces ordures, ces rebuts,
ces déchets, et le rêve qu’il exalte mais auquel il interdit l’accès. À ce
titre, Sloper figure ce sur quoi, habitués à fermer les yeux, nous sommes
contraints par l’écriture de Marten, dans son aspect brut et froid, à les
rouvrir – ces fantômes qui hantent les rouages d’un système nécrophile, ceux
qui ne peuvent faire, littéralement, que ramasser les miettes d’un rêve
américain dont les promesses ne leur ont jamais été adressées. L’ordure du
titre, le déchet, le gaspillage, est à la fois Sloper bien sûr, le rogaton
indigeste, mais aussi l’impitoyable système qui le crée. Monstre et victime à
la fois. Mais au-delà du portrait de Sloper, le roman parvient en à peine cent
pages à faire proliférer l’intrigue vers de multiples ramifications (les liens
entre Sloper et la femme en fauteuil roulant, les monologues de l’avocat qu’on
surprend derrière la porte, les agissements des jeunes locataires à l’étage,
la mère de Sloper, les relations de travail de Sloper…), plaçant de facto
Sloper au cœur d’un système – narratif et social – dont il est lui-même
prisonnier. Ainsi, le tour de force du roman, effectué principalement par le
choix d’une narration au ras du personnage, est de transformer un être
moralement répréhensible en un personnage pour lequel on finit, contraint par
l’écriture en ellipse parfois, par éprouver une sorte de sympathie malgré
tout. Comparé dès sa sortie à du Chuck Pahlaniuk ou Bret Easton Ellis, Ordure
a été salué par de nombreux auteurs américains, parmi lesquels, outre Gordon
Lish, figurent Brian Evenson, Blake Butler, Sam Lipsyte, Dawn Raffel, Vanessa
Place ou Matt Bell, qui tous y virent un « petit chef-d’œuvre » (B. Evenson),
« suscitant une admiration époustouflée généralement réservée aux auteurs
morts » (V. Place), à l’économie parfaite, « ne gâchant aucune syllabe, aucune
pulsation, aucun souffle » (D. Raffel), et dont les phrases « sont autant de
véritables sentences tant chacune semble se condamner sur la page ainsi
qu’elle condamne le lecteur dans la prison de sa pensée » (B. Butler) ; « rien
n’égale la brûlure contrôlée de la prose de Marten » (S. Lipsyte). ====
Comparé dès sa sortie à du Chuck Pahlaniuk ou Bret Easton Ellis, Ordure a été
salué par de nombreux auteurs américains, parmi lesquels, outre Gordon Lish,
figurent Brian Evenson, Blake Butler, Sam Lipsyte, Dawn Raffel, Vanessa Place
ou Matt Bell, qui tous y virent un « chef-d’œuvre » (B. Evenson), « suscitant
une admiration époustouflée généralement réservée aux auteurs morts » (V.
Place), à l’économie parfaite, «ne gâchant aucune syllabe, aucune pulsation,
aucun souffle » (D. Raffel), et dont les phrases « sont autant de véritables
sentences tant chacune semble se condamner sur la page ainsi qu’elle condamne
le lecteur dans la prison de sa pensée » (B. Butler) ; « rien n’égale la
brûlure contrôlée de la prose de Marten » (S. Lipsyte). « Rien n’égale la
brûlure contrôlée qu’inflige l’écriture de Eugene Marten. Ordure est une
fiction qui enivre autant qu’elle désarçonne.» –Sam Lipsyte «Je lirai
n’importe quoi de la main de Eugene Marten jusqu’à la fin de mes jours… Ses
phrases sont autant de sentences, chacune d’entre elles est sa prop...
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